mardi 22 mai 2018

38ème Congrès du PCF : Réédifions le communisme, Soldons une pensée politique marxiste sclérosée

Je crois que le PCF s’est perdu (*). A ce jour, hormis nous annoncer sa transformation, rien de solide, aucune analyse sérieuse n’a été réalisée sur les causes et les raisons profondes de la marginalisation de notre parti politique. C’est la recherche de l’esprit critique et du débat contradictoire qui font défaut. Ce ne sont pourtant pas les sujets qui manquent.

(*) Cette formule a été utilisée par Olivier Dartigolles le 20 juin 2011, de façon malhonnête le jour où j’ai annoncé que je ne voterai pas Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2012. Pour tenter de me discréditer, il a sorti un morceau de phrase de son contexte : « l’immigration n’est pas une chance pour la France » alors qu’en réalité je faisais une démonstration en affirmant que : « l’immigration n’est pas une chance pour la France mais une chance pour le patronat ». Il m’a aussi traité de raciste.


Tout ce qui s’est dit et s’est écrit depuis l’élection présidentielle de juin 2017 donne vraiment l’impression que la page du 20ème siècle veut être tournée par la direction du PCF, voire celle de ce début du 21ème siècle. En somme, il faudrait faire l’impasse du débat stratégique.

Une pensée politique marxiste sclérosée

Quelle est aujourd’hui la théorie politique que nous développent les dirigeants ? C’est tout de même ce qui nous intéresse pour mieux comprendre la situation. Seulement, l’équipe actuelle, déconnectée de la réalité, paraît être surtout accrochée à une pensée politique marxiste sclérosée, en décalage total avec les idées de Marx et les défis de civilisation.

Au fil des années, le PCF s’est engoncé dans les institutions et s’est adapté à la démocratie libérale. Tout cela s’est fait au détriment de la vie, de l’organisation, de l’implantation du Parti communiste au sein des classes populaires, du monde du travail et intellectuel. De fait, ceci a provoqué un grave préjudice du travail théorique et philosophique, ce qui nous a fait perdre le fil de la lutte des classes. C’est dans ce contexte que plusieurs directions nationales, sans envergure, se sont succédé aggravant la situation.

Si la parole est libre et diverse, aucune initiative pour stimuler la discussion n’est mise en œuvre afin de confronter, échanger les points de vue opposés. On parle dans le vide. Reconnaissons-le, le fait d’appréhender les contradictions avec une approche dialectique n’est pas le point fort de l’équipe dirigeante.

Lorsqu’on aborde certains sujets tels que la laïcité, l’islam, l’immigration, l’antisémitisme, le racisme, le terrorisme, l’impérialisme, les réponses sont souvent caricaturales et l’on jette l’anathème sur leurs auteurs. Cette forme de raisonnement a de quoi surprendre et annihile les discussions sérieuses et constructives comme si tout était soit noir, soit blanc. Ce sont des allégations souvent univoques et sans hauteur de vue.

Pour donner un exemple, je dirais qu’on préfère théoriser sur la lepénisation des esprits plutôt que d’avoir des échanges de vue et des confrontations entre nous. A partir de là, la discussion est close. Toute analyse se ferme dans une approche manichéenne.

C’est un bien triste spectacle qui nous empêche d’avancer, étouffe les sujets dans l’œuf et les rend inintéressants. Cette pensée pétrifiée augure que nous avons décidé d’abandonner la classe ouvrière et les classes populaires en pleines transformations, au moment même où le déclin industriel garrotait la France.

Tout confirme que la stratégie d’Union de la gauche est un remake de 1936. Cette démarche était complètement inadéquate et en déphasage avec les années 1960. Nous sommes restés déconnectés des aspirations qui sont montées au cours de cette période. Cela s’est fait au détriment des attentes nouvelles traversant le monde ouvrier et le milieu étudiant.

Forts de notre hégémonie à gauche depuis la Libération, nous avons sous-estimé les exigences de la société française en matière de liberté et d’autonomie de l’individu.

En 1979, nous avons à nouveau confirmé notre appui à l’URSS en soutenant un bilan globalement positif des pays de l’Est, alors que les éléments significatifs de leur décomposition étaient déjà à l’œuvre.

Enfermés dans l’Union de la gauche avec le Parti socialiste et le Mouvement des Radicaux de gauche sur la base du programme commun de gouvernement, après la chute des régimes communistes européens au début des années 1990, c’est sous l’égide de Robert Hue que nous avons accéléré le déclin du PCF en adhérant à la gauche plurielle, pour l’installer dans la démocratie libérale. Ce choix s’est confirmé en 2004 avec notre participation au Parti de gauche européen.

La crise du capitalisme occidental gravement sous-estimée

Avec le capitalisme occidental mondialisé s’ouvre une longue période de perturbations, d’affrontements et de bouleversements. Son impitoyable dynamique développe des métastases au sein du pouvoir oligarchique et technocratique. Ce dernier s’accompagne d’une dictature de la finance de plus en plus manifeste qui engendre d’immenses inégalités et organise une surveillance policière et numérique, y compris des données personnelles. Les grands groupes industriels, financiers et de communication sont en mesure de pénétrer, de contrôler la vie des individus dans des proportions inouïes.

La 5ème République et la Constitution européenne deviennent des prisons technocratiques dans lesquelles la politique est technicisée. On a pu l’observer de manière éclatante lors de la campagne électorale de Macron, qui a été élu sur le déni, le vide, avec un discours antipolitique. Ainsi, une personne sans aucune légitimité populaire a pu obtenir des fonctions publiques politiques de haut niveau. Quel contresens historique avec l’esprit des Lumières et de la Révolution française !

C’est la victoire hégémonique de la technocratie et de la technostructure à l’image de la Commission de Bruxelles, l’absolu contraire de l’éthique politique. Un désaveu, un incroyable mépris de la souveraineté populaire. Du reste, l’élection de Trump et les votes populistes de l’extrême droite en Europe avancent uniquement avec ce carburant. C’est de cette manière que la démocratie libérale a été mutilée depuis plusieurs décennies.

Si le Président de la République a bien engagé une entreprise de démolition, son projet politique ne peut se résumer qu’à cela. C’est dans une logique capitalistique qu’il porte aujourd’hui un projet de société. Celui-ci a été organisé par l’Enarchie et l’oligarchie financière, et tente de tuer dans l’œuf la souveraineté populaire et nationale. Pour se faire, il s’appuie sur de nouvelles structures que je qualifie de prisons : les nouvelles régions et les métropoles. Il veut mettre un terme à la commune, maillon de base historique de la République.

La mondialisation capitaliste s’est imposée. Mais nous ne pouvons pas parler du capitalisme comme si la deuxième partie du 20ème siècle n’avait pas existé, comme si nous n’avions pas assisté à la mort du système soviétique. On ne peut pas se contenter de parler du socialisme de rattrapage quand on parle de l’URSS, car ce serait montrer à quel point nous restons dans une pensée sclérosée. Il n’est plus possible de ne pas nommer cette réalité. Il est essentiel de tirer les leçons de l’histoire du totalitarisme soviétique, et de la situation des Partis Communistes. Certains ont brillé par leur absence, d’autres ont complètement disparu, et peut-être même se sont accrochés et convertis aux vieilles lunes marxistes-léninistes.

Cette réalité, nous devons la prendre en considération et en faire des analyses approfondies au regard de la situation géopolitique en Europe, des votes populistes, des votes d’extrême droite et de l’abstention massive.

Avec Marx, reconstruire notre doctrine politique.

Nous devons ressourcer notre action avec Marx comme dénominateur commun. C’est pourquoi requalifier l’enjeu de la lutte révolutionnaire du 21ème siècle est une question centrale. Notre tâche est immense. Un véritable big-bang intellectuel devrait s’opérer, avec un bouillonnement d’idées pour réédifier le communisme, relever le défi du 21ème siècle car tout confirme que le capitalisme occidental a fait son temps. Utopistes, Debout !

J’ose espérer que les formules bateau du type « un communisme de nouvelle génération » seront définitivement proscrites. Car le communisme s’est imposé dans le vocabulaire, dans la conjuration des Égaux, de Babeuf à la Commune de Paris, dans le mouvement ouvrier et intellectuel, avant la Révolution d’Octobre.

L’écroulement de l’URSS et des pays satellites n’invalide pas la portée universelle du communisme, pas plus que l’inquisition et la Saint-Barthélemy n’ont mis en cause les valeurs du christianisme. Le communisme a été entaché par les crimes et le totalitarisme du 20ème siècle qui ont été commis en son nom. Ce que font aujourd’hui les dirigeants chinois.

Une vision internationale datée

Notre approche internationale est devenue incompréhensible car nous n’arrivons pas à nous défaire de la vision des deux blocs d’avant 1990.

Aujourd’hui, le capitalisme mondial mène au chaos, explose les défis de l’humanité, provoque les déplacements des réfugiés à grande échelle. Il participe à la prolétarisation gigantesque de ceux qui sont exclus et exploités, il génère des États voyous, il amplifie le réchauffement climatique. La guerre fait rage dans plusieurs régions du monde, la menace nucléaire est omniprésente. Le monde est en état d’urgence.

Il est essentiel de démontrer la crise historique du capitalisme occidental mondialisé. Dans cette analyse, il ne faut pas omettre la part des pays de l’Est qui ont participé à cette situation.

Notre obligation est de sortir d’une posture univoque qui se contente par simplicité, de rejeter la faute sur le colonialisme, l’impérialisme ou le capitalisme occidental. C’est un discours totalement inaudible.

Nous savons tous que nombre de peuples indépendants de par le monde, ont provoqué leur propre malheur. Il est trop aisé de toujours faire porter le chapeau aux pays occidentaux. Les fléaux qui affectent ces pays pauvres ne peuvent pas être réductibles notamment aux séquelles du colonialisme.

Nous ne pouvons pas oublier les ravages commis par les Soviétiques en Afrique et en Afghanistan.

Certes, la mondialisation financière et la spéculation font de grands saccages. Mais pourquoi ignorer l’islam politique. Je pense à la guerre civile en Algérie dans les années 1990, au Proche-Orient où les dirigeants israéliens se tiennent par la barbichette avec le Hamas au détriment du peuple palestinien. Nous devons condamner sans équivoque l’attaque d’Israël provoquant 60 morts palestiniens, sans pour autant exonérer le Hamas fauteur de guerre, bien mal accompagné par la Turquie et l’Iran.

L’islam politique, c’est le poison du tiers-monde, nourri par l’Arabie Saoudite et les princes du Golfe. Il est donc indispensable que nous arrêtions d’avoir une indignation sélective pour la remplacer par une vision du monde éclairée, objective. Toutes les injustices ne sont pas imputables au monde occidental, aux multinationales et à l’Europe. Il en va de notre crédibilité.

Nous avons même « oublié » le capitalisme asiatique qui sévit en Inde, en Corée, au Vietnam, et en Chine, sous l’impulsion de Deng Xiaoping. D’ailleurs, Pékin se réclame toujours de Marx ! Il réussit à fiancer dogmatisme idéologique et pragmatisme capitaliste, au rythme du parti unique, d’une presse unique, d’un Président transformé en Empereur !

Prétendre que les malheureux peuples des ex-pays de l’Est découvrent l’incroyable sauvagerie du libéralisme, c’est se moquer du monde. Reconnaître l’immoralité qui existait sous les anciens régimes communistes c’est appeler les choses par leur nom.

Au stade où nous en sommes, pourquoi faudrait-il se sacrifier au culte du pauvre et aux mouvements de masse ? Il est indispensable de tirer les leçons des années 1960-1970, du tiers monde, du Mouvement des non-alignés, de l’indépendance du Maghreb, de la Révolution iranienne de 1979, de l’installation de dictatures militaires (comme à la suite des printemps arabes) et pire encore de mollahs.

La France orpheline du PCF

Nous avons perdu de vue les principes fondateurs du mouvement ouvrier du parti socialiste historique, du PCF et de la SFIO, confrontés à la misère des prolétaires. Notre objectif a pourtant toujours été de briser les chaînes de l’exploitation, avec comme ambition d’apporter la culture à la classe ouvrière en menant un travail d’éducation de masse. Ce sont ces principes fondateurs qui ont nourri l’idée du socialisme, du communisme et du syndicalisme révolutionnaire au début du 20ème siècle, confrontés au capitalisme industriel, dans sa progression fulgurante et mutilante.

La France est orpheline du PCF. L’avenir de notre parti passe par la reconquête du monde du travail, en priorité dans le secteur marchand et tertiaire. C’est une question de vie ou de mort.

Nous avons besoin de patriotisme et d’internationalisme pour aller à la reconquête des travailleurs réfugiés dans l’abstention et le vote d’extrême droite. Pour quelles raisons aurions-nous des états d’âme ? Même si nous sommes traités de populistes, nous avons obligation, sans a priori idéologique, de nous adresser aux habitants et travailleurs de la périphérie et de combattre cette nouvelle bourgeoisie métropolitaine frappée de « macronite ». Elle est dédaigneuse et hautaine sous les habits de gauche qu’elle a revêtus.

Notre talon d’Achille : l’entreprise

Après avoir longtemps idéalisé le monde ouvrier, nous l’avons aujourd’hui oublié, et même ignoré. Le monde du travail nous l’a fait payer cash.

J’aimerais à nouveau entendre, au PCF, des échanges de points de vue sur le travail productif, axe autour duquel nous pourrions tracer des perspectives et faire vivre notre idéal communiste.

Faire du travail innovant et audacieux, comme le fait à sa manière le secteur économique et politique du PCF devrait inciter à la Révolution culturelle et politique.

Retrouver enfin nos combats avec les salariés de l’économie marchande en renouant avec le monde ouvrier, les employés et les ingénieurs-cadres-techniciens, serait salutaire. Là aussi soyons clairs et admettons le rôle vital du profit en économie comme l’a si bien démontré Karl Marx. Il n’y a pas d’économie sans social, il n’y a pas de social sans économie. L’enjeu, c’est la finalité ou le profit pour le profit, ou encore le profit au service de l’émancipation. Nous sommes au cœur de la lutte des classes.

Pas de questions taboues. Osons parler productivité, plus-value, valeur ajoutée comme le fait Marx lorsqu’il aborde la part du travail dans l’enrichissement. Je ne confonds pas la plus-value réalisée avec le travail productif et la plus-value spéculative effectuée dans un système absurde, où le capitalisme financier ruine le capitalisme industriel.

Je suis, en ce qui me concerne, pour la défense d’un certain capitalisme industriel mais pas le pétainisme industriel qui a été engagé sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing et qui s’est amplifié sous la présidence de François Mitterrand. Aujourd’hui, la même politique économique anti France continue.

Pour le renouveau politique, refuser la tentation gauchiste

La violence est devenue un sujet permanent et quotidien d’inquiétude, accentué médiatiquement. Le PCF se doit de condamner toute violence d’où qu’elle vienne, en particulier la violence politique comme principe éthique républicain. Pour son renouveau, c’est une question essentielle. Nous devons absolument nous départir de la tentation gauchiste, celle que Lénine a appelée la « maladie infantile du communisme », cette maladie qui nous guette encore et toujours et nous empêche souvent de réfléchir, de prendre du recul, d’observer et d’avoir une autonomie de pensée et une indépendance d’esprit.

Je pense en particulier aux émeutiers de l’ultragauche dans la manifestation du 1er mai 2018. Nous ne pouvons plus ergoter sur ce sujet hautement républicain. Nous devons être fermes sur ce point. N’avoir aucune complaisance. Ce sont des violences délibérées, organisées. Ces casseurs n’ont rien à voir avec la colère sociale, même s’ils agissent au nom d’une phraséologie révolutionnaire toxique. L’engagement démocratique républicain des communistes est à l’opposé de ce discours nihiliste.

Lorsque j’entends que nous serions progressistes en défendant notre système de santé publique, la sécurité sociale, et que nous serions réactionnaires en défendant la sécurité quotidienne, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même pays. Cette question cruciale nous a fait perdre un nombre important de municipalités depuis les années 1980.

« La religion, l’opium du peuple » : est-ce vrai pour l’islam ?

A force de céder aux principes de la diversité et du droit à la différence, nous oublions la solidarité ouvrière et l’unité républicaine, nous abandonnons les filles françaises de religion musulmane à la dictature machiste des pères et des grands frères qui leur imposent le foulard, et aux imams qui s’accordent le droit à l’endoctrinement.

C’est alors que la question de la critique des religions se pose. Est-elle toujours possible ? Dès que l’on aborde le sujet de l’islam, nous sommes taxés d’être des racistes. Faut-il rappeler ce que disait Marx à ce propos : la religion est l’opium du peuple. Expliquer que la réponse est située au niveau tant économique que social n’est pas crédible. Nous refusons surtout de voir qu’il s’agit là, d’abord, d’une question culturelle et spirituelle. N’oublions pas notre histoire et notre culture, tant appréciées des immigrés, qui leur faisaient aimer la France. Notre patriotisme républicain a toujours rejeté le particularisme communautaire.

Il est temps de nous ressaisir. L’évolution de la société n’est pas à mettre en cause, comme si le peuple français dans sa globalité, était raciste vis-à-vis des musulmans et de l’islam. Cette caricature ne correspond pas à la réalité qu’on peut observer dans les ghettos sociaux et ethniques et les territoires perdus de la République.

L’antisémitisme, le racisme anti-blanc, la haine de la France, ne sont pas des questions anodines, elles sont extrêmement sérieuses. Car des territoires entiers sont gangrénés par la drogue, les mafias, les trafiquants, les fondamentalistes islamistes, et les salafistes. Ce sont eux qui pourrissent la vie quotidienne de quartiers entiers, et qui imposent progressivement la charia qui peut devenir la règle.

L’autorité de l’État est bafouée. L’école et la police ont du mal à assumer leurs missions. L’obscurantisme et la violence progressent et avec eux, ce sont des germes de guerre civile qui sont détectés.

Ainsi, il suffit simplement d’observer le taux de participation aux élections, qui devient catastrophique. Pourquoi le PCF ne prendrait-il pas cette question à bras-le-corps afin de relever le défi de la France périphérique ? Les résultats de l’élection présidentielle de 2007 sont suffisamment explicites.

Je trouve bienvenu, opportun et pertinent le manifeste contre l’antisémitisme récemment publié qui soulève le problème de nos compatriotes juifs. Dans certains quartiers, ils vivent la peur au ventre et finissent par les quitter. Un débat sur cette question serait indiqué. Il pourrait même se tenir lors de rencontres publiques d’où émergerait un point de vue commun.

Où est le PCF ? Où va-t-il ? A quoi pense-t-il ?

Le mystère s’épaissit sur son attachement à la laïcité, à l’école républicaine, à la République, à la Nation et à la France. Où est passé notre enracinement dans la réalité française ? La passion française du communisme ? Notre combat politique avec le rapprochement du drapeau rouge et du drapeau tricolore ? C’est dans notre passé que nous puiserons notre avenir. C’est pourquoi l’examen et la connaissance du 20ème siècle sont vitaux pour l’inventivité politique et notre renouveau intellectuel.

Alors que l’on nous affirme que l’appellation « Parti communiste français » ne changerait pour rien au monde, depuis 25 ans, de manière sournoise, on nous explique qu’il faut dépasser la forme « Parti ». Pour se justifier, on suggère des formules verticales, horizontales, thématiques… comme si c’était un problème technique à résoudre. Tout se passe comme s’il ne fallait plus faire de politique. Sauf qu’une force politique, c’est fait pour faire de la politique. Si l’on ne fait plus de politique, il n’y a plus qu’à ranger la caisse à outils ! Il n’empêche que nos dirigeants ont trouvé la pierre philosophale : ce sont les nouvelles technologies avec leurs réseaux sociaux. Certaines personnalités comme Obama, Macron ou Mélenchon en sont de fervents adeptes. Loin de moi l’idée de considérer que ces moyens de communication sont négligeables, mais je suis stupéfié. J’aimerais que l’on m’explique comment Obama et Trump ont été élus !

C’est devenu une obsession de remettre en cause l’existence même du PCF. Cette psychose a été engagée depuis 1994, lors du 28ème congrès. Conséquences : le résultat mutilant de la présidentielle de 2002, mais également de celle de 2007. Et pour aggraver notre situation, on s’efface au profit de Jean-Luc Mélenchon en 2012 et en 2017.

Pour le PCF, c’est la bérézina. Depuis, son organisation est devenue une multitude de petites entreprises décentralisées, avec plusieurs points de vue qui gravitent au niveau national. Il est même permis de considérer que ce laisser-faire est organisé. L’hémorragie est en cours. Le PCF s’est vidé de sa substance ouvrière et populaire.

Clarifions la situation avec esprit critique et sans trembler. Est-ce que le Congrès de Tour de 1920 a bien été le congrès fondateur du Parti communiste français ? D’autant que pour certains, il faudrait refonder le PCF et avoir de nouveaux principes. Nous aimerions bien savoir lesquels.

L’identité du PCF s’est construite sur des bases ouvrières et paysannes, c’était plutôt pertinent pour porter un projet révolutionnaire anticapitaliste.

Une relecture du Congrès de Tour serait vraiment judicieuse et pas si éloignée des questions principales que nous nous posons aujourd’hui. Cela va bientôt faire 100 ans que la maison communiste a tenu bon dans ses fondations. Certes, elle a besoin de réhabilitation, de modernisation, d’amélioration, personne ne peut prétendre le contraire. Mais l’histoire est là pour nous rappeler ce qu’a représenté le PCF pour la France. C’est l’histoire d’une passion tricolore pour un communisme social, moral et culturel, aujourd’hui marginalisé politiquement.

Revenons donc à nos fondamentaux, à notre héritage du 19ème et du début du 20ème siècle. Si la gauche a toujours été diverse, à la fois réformiste, libertaire, anarchiste et révolutionnaire, c’est dans ce cadre que se sont constituées les fondations du PCF. Quant au PS, qui lui, s’est appelé la SFIO, il s’est conduit comme la plupart des partis socio-démocrates en se déshonorant dans l’union sacrée de la guerre de 1914-1918.

Besoin des leçons du 20ème siècle pour voir loin

Quelle fonction politique devons-nous assumer aujourd’hui ? Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités jusqu’au plus haut niveau, quelles que soient les difficultés. Nous voulons le conflit des idées réformistes et révolutionnaires. Nous devons accepter la friction sans dramatiser, sans se regarder en chiens de faïence, sans se faire la guerre.

La clé permanente de notre histoire et de notre expérience réside dans le fait que nous nous en sommes toujours remis au mouvement social et populaire sans l’instrumentaliser, avec la caractéristique française de l’idée républicaine. Ce qui fait l’essence de la gauche, de Jean Jaurès à Jules Guesde, provient de la nécessité de l’autonomie de chaque force politique en se départissant de l’esprit partisan.

Soyons une force politique assumée en plaçant, au centre de gravité, la coresponsabilité citoyenne pour conquérir les pouvoirs, remettre en cause l’ordre capitaliste, mener en permanence la contestation, l’animer, l’impulser sans faire à la place des gens. Le défi révolutionnaire que nous avons à relever au 21ème siècle passe aussi par la conquête du pouvoir à l’entreprise.

L’autogestion politique est la réponse moderne à la démocratie libérale

Avoir une vision de l’entreprise ni diabolisée ni idéalisée, c’est pour nous, poser les jalons des défis révolutionnaires à accomplir : la conquête du pouvoir dans une conception autogestionnaire faisant appel aux salariés, tant à titre personnel que collectif, à la coresponsabilité, à la co-décision, à la co-construction, à la coopération, avec l’objectif de mettre fin à la dictature de la pensée unique, à la dictature libérale du marché.

La question du pouvoir en entreprise est centrale et vitale. Car la reconnaissance du droit de tous les salariés, de la participation aux décisions collectives, c’est de s’attaquer au pouvoir du capital. L’exploitation capitaliste constitue toujours le socle de notre pensée avec des formes nouvelles d’aliénation qui touchent tous les aspects de l’écologie politique, sociale, environnementale, et mentale.

La contestation des choix stratégiques et des critères de gestion capitaliste monte en puissance parmi les salariés. Ces préoccupations vont bien au-delà des Scop. Elles traversent les grands groupes industriels, financiers et bancaires.

C’est un véritable potentiel de capacités chez les ouvriers, les employés, les ingénieurs, les cadres et les techniciens. On peut changer la donne dans l’organisation et la finalité du travail. De plus en plus fort, un grand rejet de la technocratie des procédures et autres règlements, s’exprime. De même pour les directives qui corsètent et étouffent les initiatives et la créativité au travail. C’est dans ce climat que naît l’exigence du commun et du communisme.

C’est une question clé pour les communistes et c’est en grande partie son abandon qui a décidé de l’issue fatale des économies de l’Est.

En remettant la lutte politique sur l’organisation du travail, nous nous opposons bille en tête à la stratégie politique du management néolibéral. Participer aux règles et aux décisions pour les salariés, c’est le défi révolutionnaire du 21ème siècle. C’est se donner comme objectif la forme politique démocratique qui nourrit la coopération, la finalité sociale de toute activité du travail, dans tous les domaines d’activité, qu’ils soient privé, public ou associatif. C’est cela l’autogestion politique.

Sortir des raisonnements à courte vue, faire sauter les verrous

  • 1- S’obliger, à chaud, à débattre de l’actualité brûlante : 
    • Le manifeste contre l’antisémitisme 
    • Le projet Borloo pour les banlieues 
  • 2- Engageons le choc des idées, organisons la confrontation. Aujourd’hui, la parole est libre mais on parle dans le vide
  • 3- 1920, le congrès de Tour, un congrès fondateur ? 
    • Et si on confirmait ? 

Nous devons sortir d’une pensée à court terme avec des raisonnements à courte vue.

Reprenons la tête de la contestation anticapitaliste, retrouvons notre identité pour réédifier le communisme. En 1970 nous avons changé de cap avec le programme commun de gouvernement. Nos exigences révolutionnaires ont été rabaissées après être passées à côté des questions neuves de 1968. La portée du printemps de Prague, annonciatrice de l’écroulement des pays de l’Est, a largement dépassé notre imagination.

Nous nous sommes condamnés aux yeux du peuple qui nous a vus comme des auxiliaires du parti socialiste. La stratégie d’Union de la gauche est devenue obsolète. Nous nous sommes installés dans les institutions de la démocratie libérale. Faute de débat et de confrontation, le PCF se meurt. Il est en panne de pensée et de créativité. Une partie de notre héritage a été dilapidée et la tentation de nous faire douter des choix de 1920 est forte. Comme s’il fallait remettre en cause nos fondations qui ont marqué au plus profond la société française jusqu’aux années 1970.

Depuis 1972, des dizaines de milliers de militants communistes se sont mis en retrait car de plus en plus, les institutions étaient devenues prioritaires. Depuis 1983, une dépendance de plus en plus importante s’est faite vis-à-vis du parti socialiste, presque fusionnelle sous le gouvernement Jospin.

Etant membre du comité central depuis 1979, je ne compte pas le nombre de débats qui ont été verrouillés. Nous avons abandonné notre travail théorique et philosophique d’éducation. On estime que les grandes entreprises ne sont plus la priorité. Nous sommes enfermés dans une course de vitesse électorale et dans une fuite en avant. Après la rupture du programme commun de gouvernement en 1977, toute contestation a été étouffée, sur fond de discours ouvriériste de façade. De ce fait, les refondateurs ont pris l’ascendant dès 1984 pour dire tout le mal qu’ils pensaient de la forme Parti. Cette tentative continue puisqu’ils nous proposent même un réformisme révolutionnaire. Faudrait-il revenir en arrière, avant 1920 ? Comme si la gauche dans sa diversité, n’avait plus besoin de forces politiques, comme s’il n’y avait plus besoin d’un parti communiste organisé dans le combat de classe d’aujourd’hui.

Il nous faut politiser les enjeux sociaux, redevenir une force politique radicale, subversive et populaire en requalifiant le militantisme ouvrier, employé et les ingénieurs cadres techniciens.

Je fais partie de ceux qui défendent l’identité communiste. Je suis fier de notre héritage, pour réédifier le communisme, les yeux ouverts sur le totalitarisme soviétique, et de la Chine dirigée par des communistes convertis au capitalisme.

Toujours en dissidence depuis le congrès de Martigues, tous autant que nous sommes, nous n’avons pas pu empêcher la catastrophe. Les équipes dirigeantes n’ont pas pu changer le nom du PCF. S’est installé un dialogue de sourds avec distribution d’étiquettes et pendant le gouvernement Jospin, la posture du PCF a définitivement fait exploser les bases du PCF. C’est le chaos debout.

Comme je l’ai dit dans mon texte du mois d’août 2017 (**) revisitons Marx, nourris de notre pensée matérialiste dialectique en sortant d’une pensée marxiste sclérosée. C’est le moment de recomposer une pensée, un projet, une stratégie pour inscrire notre action dans une perspective révolutionnaire dans les conditions bouleversées d’après 1990.




André GERIN

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